Skate Influences - Willy Manolo Santos

Hookups

Par Olivier Dézèque

Le San Diego d’aujourd’hui se concentre sur quelques éléments emblématiques comme le Washington Street Park, Tony Hawk et son immense villa, des teams shootés aux escapades nocturnes plus qu’aux sessions, les gars de Skate Mafia qui rident entre deux teufs et dorment sur des canapés crades lorsqu’ils sont à bout, le shop Pacific Drive où on croise ces derniers brigands de temps à autre, surtout Smolik de retour de beuverie sur Garnet avenue toute proche. Au-delà du skate, la cité s’excite tranquillement au rythme de la plage, du fun, des porn-stars et du surf. Nombreux mangeurs de bitume ont d’ailleurs débuté leur carrière dans les vagues. C’est cependant loin d’être le cas de Willy Santos, skater technique, stylé et iconique des 90’s qui n’aime pas beaucoup le sable entre les doigts de pieds, la vert et l’alcool fort mixé à l’electro-dance. Petite rencontre dans un bar tranquille autour d’une pinte ou dix à proximités de Willy’s Workshop sa family affair située aux limites de la ville.

Premier coup. C’est Willy qui paie. Le philippin raconte qu’il est arrivé à East San Diego dans sa tendre enfance et qu’il avait l’habitude de rejoindre son école élémentaire en skate : « c’était le truc le plus cool que je puisse faire en habitant loin de la plage et puis c’était un moyen d’intégration formidable. Un peu plus tard je me suis rendu compte qu’en plus je pouvais faire des tricks avec ma planche. L’océan m’attirait mais je n’étais pas très doué en natation». Un peu geekos, le jeune avait scotché la TV familiale durant des plombes, télécommande à la main et ralenti programmé sur des tricks qu’il voulait reproduire. C’était une analyse image par image afin de comprendre la manière de positionner les pieds et de faire rebondir les jambes pour replaquer des figures de plus en plus complexes. Il y avait quand même des switch bretzel flips qui passaient en cette époque fumeuse…Seconde blonde bien fraîche, sa petite sœur.

L’explosion des VHS skate avait vraisemblablement poussé le roi du 360 flip à se perfectionner et il deviendrait pro à partir de 1991. Willy, présent sur tous les contests de la grande époque XXL et bonnet sur les yeux, ride maintenant depuis plus de 23 ans et ne compte pas s’arrêter demain.

Il explique : «Le skate m’a procuré tellement de plaisir, d’opportunités, d’aventures, de rencontres qu’on peut dire que c’est l’essence de ma vie. Ca paraît curieux de voir la diversité de manières dont on peut débuter ce sport et où ca peut mener. J’aurais pu faire plein d’autres trucs qu’ouvrir le shop mais c’est la voie que j’ai empruntée. C’est juste cool». L’idole des vieux admet que l’explosion du marché de la vidéo skate a su donner un coup de fouet a certaines carrières, ses footages à lui avant tout peut-être : « Bien sur la VHS existait depuis un moment mais vers 1992 ça n’arrêtait pas. Il y a avait des productions à go-go. Ça a fait progresser pas mal de monde et ça a aussi donné la possibilité à des types comme moi d’atteindre un statut de pro et d’en vivre. Plein de marques se sont développées en cette époque. Un nombre presque aussi important de labels ont disparu depuis, enterrés 6 pieds sous terre », se souvient-t-il- en riant, pinte à la main.

Troisième tournée remise par Willy, le craquement des chips sous le palais donne du rythme au verbe. Je me mets à l’appeler Will comme si on avait été au primaire ensemble. Toujours soutenu par Birdhouse, le grand ami de Marc Haziza gère en famille, à la sauce philippaine, Willy’s Workshop situé à deux pas du PQ skatepark. Pour les amateurs d’ultra slims il précise : «Ce n’est pas chez moi qu’on peut trouver ce type de produits ! Je préfère voir des fringues trop larges que le galbe des skaters ». Question de génération sans doute. Le shop a le vent en poupe, normal il est géré par un passionné qui est plutôt doué en matière de planche à quatre roues. Santos s’était quand même engagé dans un certain nombre de contests du siècle dernier et de ce nouveau millénaire. Le dernier en date : le Tampa pro 2004.

Le philippin californien du sud skate toujours très régulièrement et connaît le park voisin comme son mouchoir de poche. Son expertise n’est remise en doute par personne, sa volonté non plus. 

Il parle de sa passion pour le football, de ses enfants, de la batterie, de ses trips en Europe où à Manille, de l’Australie, d’Hawaii, des nollies, des Pixies, des Beatles, des réseaux sociaux et de plein de vieilles vidéos comme Rubbish Heap ou Hokus Pokus, il se remémore d’autres marques défuntes. La France est une destination que Willy affectionne. Il regrette juste parfois la carence de burgers dans les restaurants haut de gamme. Question de culture sans doute.